Pour certains, le nom de "Les Salenques" rappelle une plantation de pommiers qui furent planter dans les années soixante, avec sa station fruitière construite en 1963, elle était un des poumons économiques de la vallée de l’Arize (trente employés en permanence ; cent vingt-cent trente pour la cueillette).
Pour d’autres, c’est une magnifique maison de maître qui brillait de tous ses feux durant la première partie du XXème siècle.
Les propriétaires d’avant la dernière guère de 1939 étaient la célèbre famille Raynaud. Cette famille a donné plusieurs maires à notre commune : Gaston Raynaud de 1889 à 1894 et Albert de Ladevèse, gendre du précédent, de 1870 à 1889.
Pour les nostalgiques du petit train de la vallée de l’Arize "Les Salenques" étaient un des nombreux arrêts du célèbre "tortillard", qui reliait dans les années 1920/1937 le Mas d’Azil à Carbonne.
Pour les amateurs d’Histoire, le nom des Salenques est synonyme de paroisse, de lieu de culte et de prières. En effet, au XIVème siècle, il abritait une des plus importantes abbayes cisterciennes du secteur.
L’EMPREINTE DE GASTON PHEBUS
Je vous invite à un petit retour en arrière du temps des Comtes de Foix. Nous sommes au XIVème siècle en l’an de grâce 1343 et le Comte de Foix de l’époque, Gaston II dit "Le Preux" et son épouse, la célèbre Eléonore de Comminges, avaient fondé un projet, en accord avec la papauté, de construire un couvent de femmes sur le domaine des Salenques.
Hors, cette même année, la mort tragique du Comte de Foix mit ce projet en veilleuse.
Il faudra attendre dix ans, pour que son fils, Gaston III, plus connu sous le nom de Gaston Phébus qui lui avait succédé sur le trône des Comtes de Foix, réponde au désir de sa mère en faisant réaliser le vœu de son père.
C’est donc en 1353, qu’il fit construire sur la paroisse Saint-Felix des Salenques une abbaye de femmes à laquelle il donna le nom De Notre-Dame de l’Abondance-Dieu.
Ce monastère était prévu pour accueillir une trentaine de religieuses soumises à l’ordre des citeaux. Vu les origines illustres de ce couvent, les religieuses qui y habitaient étaient toutes issues des très grandes familles des maisons comtales de la province (Comté de Foix, Comté Comminges, …).
Ce monastère connut, jusqu’à la fin du XVème siècle, l’opulence et la splendeur. Mais à la fin du XVème siècle, après la vie de château du début, les religieuses commencent à connaître "les vaches maigres" et la déchéance prend petit à petit le pas sur la prospérité d’antan.
A ce changement de situation, les historiens ont évoqué plusieurs raisons : Les querelles intestines qui rongeaient le comté de Foix. La guerre de Cent Ans sous laquelle était plongé le royaume et qui n’a pas épargné notre couvent.
Une telle richesse ne pouvait que susciter les envies des pillards de tous genres et toutes sortes qui rodaient dans le secteur. Pour subvenir à leurs besoins, "les bonnes sœurs" furent obligées de se séparer de quelques-uns uns de leurs biens.
Au début de l’année 1483 le couvent ne comptait plus qu’une dizaine de religieuses, nous étions bien loin de la trentaine du début.
AU CŒUR DES GUERRES DE RELIGIONS
Dans les années 1570, le couvent et l’église des Salenques n’échappèrent pas aux Guerres de Religions qui faisaient rage dans notre région. Ils furent une cible privilégiée des huguenots, qui après les avoir pillés y mirent le feu.
Pour échapper à cette barbarie, les religieuses durent fuir leur cher couvent, pour trouver un havre de paix, tout d’abord au château de Pailhès puis à Montesquieu-Volvestre.
Vers 1630, une fois la paix retrouvée, avec leur tête, la nouvelle abbesse, Anne de Noé, elles souhaitent revenir aux Salenques, mais leur illustre maison n’était plus qu’une ruine et de multiples réparations furent nécessaires. Mais vivre dans de telles conditions devenait un danger permanent pour elles, car les bâtiments menaçaient de tomber à tout moment.
En 1645, la mort dans l’âme elles quittent une nouvelle fois leur chère abbaye de Notre Dame de l’Abondance Dieu des Salenques pour s’établir dans la capitale des Comtes de Foix au pied du château comtal dans une rue qui porte aujourd’hui le nom de "rue des Salenques".
En 1663, l’abbesse du moment, fit revenir tout le monde aux Salenques et souhaita comme sa prédécesseur, restaurer cette maison, mais une fois de plus les ressources allaient manquer.
En 1681, au mois de mars pour être plus précis, les religieuses quittent définitivement les Salenques pour Toulouse où elles recréent leur couvent dans une maison de l’actuelle rue des Salenques.
En 1789, la Révolution Française, sonnera le glas de l’abbaye des Salenques, tous les biens seront saisis et par la suite vendus.
Durant les fouilles du début de l’année 2006, la pelleteuse a mis à jour les murs de cette ancienne abbaye. Comme me le faisait remarquer sur place un archéologue, l’abbaye se trouve encore dans un excellent état de conservation et nous donne de nombreuses informations sur la construction des abbayes du XIVème siècle.
Les murs que nous pouvons voir actuellement sont d’époque, même s’ils ont subis des transformations au gré des propriétaires successifs. Sont encore visibles une partie du cloître avec ses ouvertures à arcades, ainsi que la cour intérieure qui autrefois servait de promenade aux religieuses. Le mur nord de l’ancien château des Salenques qui périt sous les flammes en janvier 1997, est, selon les spécialistes, l’ancien mur nord de l’église Saint-Felix des Salenques. Celle-là même où fut inhumée en 1373, la Comtesse de Foix.
Pour la petite histoire locale rappelons que sous la terre des Salenques repose depuis plus de sept siècles la dépouille mortelle de la comtesse de Foix Eléonore de Comminges. Selon son vœu et comme le dit la tradition elle avait souhaité reposer pour l’éternité dans l’église Saint-Felix des Salenques, sous le portail de laquelle, elle avait fait sculpter les quatre amandes qui forment les armoiries de la Maison de Comminges.